5.4.09

Séraphine à l'heure d'été

L'expatrié que je suis a pu rattraper un peu de retard cinématographique grâce au Festival du film français, de passage à Adélaïde, qui s'est achevé hier. Les Australiens comme les francophones se sont chargés de bonder les salles à chaque séance. Il faut dire que la sélection était remarquable, les meilleurs films français de l'année passée. J'ai pu voir deux films qui entrent en raisonnance. Il est question d'art.

La peinture est le sujet central de Séraphine, qui décrit le parcours de la peintre Séraphine Louis, connue comme "Séraphine de Senlis". Vous en avez surement entendu parler, le film a fait une moisson aux César, à l'image de l'Esquive ou de De battre mon coeur... les années passées. Quand les membres de l'Académie aiment un film, ils votent pour lui dans toutes les catégories, ce que certains déplorent.

Dans le cas de Séraphine, c'est tant mieux, parce que c'est un film remarquable. D'abord, l'histoire vraie jusqu'ici trop condifentielle de cette miséreuse devenant peintre reconnue méritait d'être sublimée à l'écran. Martin Provost s'en charge avec une grande sobriété, teintée de pudeur bienveillante et d'humour. Séraphine est un personnage fragile, une femme de ménage énigmatique, qui fait des calins aux arbres et parle aux oiseaux. Elle reçoit un jour l'ordre célèste de peindre, et s'exécute, frénétiquement, avec les moyens du bord. Les anges guident son pinceau, dit-elle. Un critique d'art allemand repère son travail avant-gardiste, et lui fait promettre de perséverer, avant d'être happé par la Première guerre mondiale.

Séraphine est clairement dérangée, mais le malaise ne s'installe jamais, on est absorbé par l'interprétation rayonnante et poétique de Yolande Moreau. Ses mimiques sont impayables, comme lorsqu'elle prélève un peu de cire sous les yeux d'une statue la Vierge pour faire ses mélanges. Gloussement dans la salle. Le schéma narratif est classique, mais l'histoire est trop belle pour qu'on se lasse.

Changement d'époque pour l'Heure d'été, film bien ancré dans notre époque. L'art est ici le signe du passé, de l'héritage. Du mobilier prisé, des vases, deux toiles de Corot, les carnets de Paul Berthier... C'est le trésor familial sur lequel veille Hélène (Edith Scob, délicieuse), une vieille dame bien seule entre ces souvenirs. A l'occasion de ses 75 ans, les enfants sont venus au complet, chose rare. Les heures d'été passées ensemble sont précieuses. Adrienne (Juliette Binoche) est une artiste vivant à New York, Jérémie (Rénier) dessine des baskets à Shanghai. Frédéric (Charles Berling) est le seul à être resté à Paris, où il enseigne l'économie. Une certaine classe sociale, bien sûr.

Que va t-il arriver à la maison et ses objets après la mort d'Hélène ? C'est tout l'enjeu du film, ce qui peut sembler barbant, a priori. Les inventaires et conversations à propos de telle tasse ou tel dessin peuvent paraître lassants, mais se révèlent décisifs par la suite. Chacun défend ses intérêts. C'est finalement Héloïse, la gouvernante, qui offre le moment le plus savoureux du film. Elle demande à garder ce qu'elle pense être un modeste vase, en souvenir d'Hélène. Elle le trouve beau quand on met des fleurs dedans, c'est un peu une Séraphine elle aussi. Je ne dois pas tout dévoiler, mais cette scène est un bijou.

Deux films à voir, pleins de finesse et de nuance, qui forment un écho intéressant et qui confirment, surtout vu d'ici, que le cinéma français est un monde à part.

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